Conférence de Michel Drac à propos de la crise financière touchant nos sociétés depuis quelques années.
Michel Drac a écrit plusieurs livres d'analyse sur cette crise, notamment Crise ou coup d'état et Crise économique ou crise du sens.
En tant que spécialiste de ce sujet, il nous fera donc part de ses dernières réflexions sur les rebondissements de la crise survenus depuis cet été.
Pour en savoir plus sur Michel Drac et la maison d'édition qu'il a crée avec d'autres auteurs, "Le Retour aux Sources", découvrez Scriptoblog.
Vous pouvez découvrir la pensée de Michel Drac grâce à ce petit best of :
Télécharger le podcast audio (clic droit, enregistrer sous).
Accèder à la page correspondante sur l'Internet Archive.
Voici le texte écrit de la conférence prononcée par Michel Drac sur le Libre TeamSpeak le 18 septembre 2011. Le texte oral peut différer légèrement, pour des raisons de forme.
Lire le texte sur Scriptoblog.
Un rapide tour d’horizon, pour ouvrir le débat. Aucune technique financière : nous allons résumer la situation sans entrer dans les détails. On pourra le faire dans les questions, si vous le souhaitez.
La crise actuelle n’est pas une simple crise d’ajustement. Ce n’est pas une crise comme celle de la fin des années 50, comme celle des années 70, comme celle de 1993. Selon les points de vue, on peut la regarder comme un effondrement civilisationnel, un coup d’Etat ou une crise du sens.
Effondrement civilisationnel, j’ai presque envie de dire religieux, parce que ce qui implose, c’est une religion, une religion qui servait de soubassement à une civilisation : la religion du Progrès. Cette religion annonçait que l’humanité fabriquerait elle-même le Millenium, le millénaire d’or, par la technoscience et le développement quantitatif indéfini.
Coup d’Etat, parce que les « élites » de cette civilisation défunte vont tenter de sauver leur rêve, jadis fait pour toute l’humanité, en le restreignant en gros à elles seules, et, disons, à une minorité qui leur sera associée – ceux qu’un Jacques Attali appelle les hypernomades.
Crise du sens, enfin, si l’on remonte aux interprétations les plus hautes, parce que derrière la religion du Progrès, ce qu’il y avait, c’était une certaine façon de concevoir l’élaboration du sens dans le cerveau global des grands systèmes fédérateurs – une élaboration du sens par la quantité.
Cette crise, ou plutôt cet effondrement, a commencé en réalité depuis plusieurs décennies. La réalité a été cachée depuis plusieurs décennies par la combinaison de la virtualisation, de la croissance fictive par endettement et d’une confusion savamment entretenue entre un moment dans l’Histoire, la croissance de la Chine et de l’Inde comme source de la consommation occidentale, et une réalité structurelle : la chute de l’Occident comme pôle dominant dans le monde. L’ensemble de ces artifices avait fini par fabriquer une sorte d’hologramme, une représentation fictive tridimensionnelle, dans laquelle nous évoluions en affectant de ne pas voir la réalité.
Ce qui se passe depuis 2007, c’est la panne progressive de cet hologramme. L’hologramme est en train de grésiller, de trembloter. Il est encore en état de fonctionnement, mais on devine déjà qu’il va se dissiper. Déjà, des pans s’effondrent. Il faut en toute hâte les réactiver en sacrifiant d’autres pans. C’est la fin.
Depuis 2007, les dirigeants font semblant de diriger un système encore vivant. En réalité, il est mort. Depuis 2007, ils maintiennent coûte que coûte l’hologramme. Mais on approche du moment où l’hologramme va disparaître, révélant le réel qu’il dissimulait.
C’est pourquoi le moment de décision approche. Quand l’hologramme disparaîtra, le réel obligera à prendre de vraies décisions, parce qu’il faudra bien décider de ce qu’on fait pour gérer la catastrophe.
C’est pour bientôt.
Quand exactement ?
Vraisemblablement, quand les cautions en dernier recours vont reconnaître leur incapacité à garantir les masses d’actifs fictifs qui constituent l’essentiel de la fausse richesse actuelle. C’est à mon avis une affaire de mois, au plus un ou deux ans, avant qu’on entre dans le vif du sujet. La disparition complète de l’hologramme pourrait bien durer encore quelques années. Mais le moment où des pans vont commencer à disparaître sans remède est proche.
Je prends quelques risques en disant cela. Il faut garder en tête que le système actuel nous communique des informations comptables totalement biaisées, ce qui fait qu’on a beaucoup de mal à prévoir exactement ce qui va se passer à quel moment. Mais il semble bien qu’on soit proche de la rechute décisive, de l’instant où, après que les Etats ont sauvé les banques, les Etats eux-mêmes seront en faillite.
A mon avis, et à mes risques et périls, je dirais : la Grèce en faillite avant la fin de l’année, l’Italie et/ou l’Espagne avant la fin 2012.
Pour les USA, je pense qu’il n’y aura pas de faillite avouée, puisqu’on est dans un système monétaire différent, qui reste souverain bien que n’étant pas public – il y a une souveraineté à New York, mais ce n’est pas celle du peuple américain, c’est la souveraineté privée de la FED. Mais même aux USA, il y aura une faillite de facto, à travers une stagflation très dure, voire, si le système échappe à son propre contrôle, une hyperinflation.
Pour la Grande Bretagne, il est difficile d’être précis, tant la City joue un rôle spécifique. Sa base territoriale est gérée par la finance globale selon des critères particuliers et opaques. En tout cas, sur le plan de l’économie réelle, on ne voit pas comment la Grande-Bretagne pourrait éviter un naufrage complet.
Pour la France enfin, elle sera attaquée prochainement, et il est très probable qu’elle se trouvera tôt ou tard en situation de défaut technique. L’organisation de cette faillite française est tout à fait dans les cordes des « marchés financiers », c'est-à-dire en fait de quelques institutions anglo-saxonnes, ou disons basées dans le monde anglo-saxons. Des institutions qui pilotent en réalité l’évolution des marchés.
Ce qui va se passer ensuite, c’est que, d’abord, les pays touchés vont connaître une situation comparable à celle de la Grèce actuellement – une austérité insupportable, soit par disparition de l’Etat social, soit par une fiscalité écrasante, soit un mélange des deux. Ensuite, les super-souverains eux-mêmes (FMI, BCE) se reconnaîtront impuissants dans le cadre de leurs pouvoirs actuels. Il est probable qu’ils vont dans ces conditions ou cesser d’exister, n’avoir plus qu’une existence fictive, une apparence en quelque sorte, ou au contraire chercher à étendre indéfiniment leurs attributions, dans une fuite en avant. Tout indique qu’ils choisiront cette deuxième voie.
C’est là que les classes dirigeantes devront prendre des décisions. Fini la gestion par l’hologramme. Il va falloir agir dans le monde réel.
*
Quelles sont les décisions possibles ?
En gros, il y a quatre voies que les classes dirigeantes actuelles peuvent suivre.
Commençons par dire qu’elles ne suivront pas la voie qui devrait être suivie. Ce dont nous aurions besoin, c’est tout simplement de refonder une civilisation nouvelle. Mais les classes dirigeantes actuelles sont incapables d’accomplir la révolution mentale nécessaire pour une telle refondation.
Ce n’est pas que les individus qui les composent soient stupides. Lire à ce sujet, par exemple, Luc Ferry, ou même Attali, qui est monstrueux par certains côtés, mais qui a manifestement pris conscience des vrais enjeux. C’est tout simplement que le fonctionnement du cerveau global constitué par ces élites est paraphrénique ; la réflexion tourne en circuit fermé, c’est un auto-cautionnement. Ce cerveau global est incapable de se confronter au réel. Il est fou, si vous voulez. C’est comme ça, c’est une dynamique holistique qui dépasse les capacités d’action des individus qui composent le collectif.
Restent trois voies possibles, dans le cadre de la paraphrénie institutionnelle de nos classes dirigeantes. Trois voies qui visent à sauver une civilisation défunte – la civilisation capitaliste pour faire simple.
Première voie : la dictature sans la guerre. Deuxième voie, la guerre limitée et la dictature. Troisième voie : la guerre totale et la dictature.
Dans tous les cas, au programme : la dictature.
Il est évident que les classes dirigeantes actuelles ne pourront pas faire avaler aux peuples le passage à la forme dégradée de l’idéologie du progrès. Cette forme dégradée, comme je le disais, visera à sauver le principe idéologique du Millénium par l’action de l’humanité sur elle-même, en restreignant le Millénium aux soi-disant « élites ». En d’autres termes : pour l’élite, le paradis selon Jacques Attali, et pour les autres, l’alignement rapide des classes moyennes et populaires occidentales sur les standards chinois et indiens, peut-être un peu améliorés.
Impossible de faire avaler cela aux peuples dans un cadre démocratique.
Il y aura donc la dictature. C’est pourquoi on peut dire : crise ou coup d’Etat ?
Cette dictature ne sera probablement pas une dictature comme celle du temps jadis. On a beaucoup progressé, si j’ose dire, dans l’art de fabriquer le consentement des populations. Les formes extérieures de la démocratie seront probablement sauvegardées, mais en réalité, les dirigeants élus ne décideront plus grand-chose. Pour occuper le terrain, on leur laissera le sociétal (adoption par les couples gays, développement des mères porteuses, etc.). Sociétal en outre utilisé pour détruire les formes collectives capables de s’opposer au pouvoir en secrétant un cerveau global distinct de celui construit par les oligarchies. C’est la poursuite des tendances actuelles, mais considérablement renforcées.
La gestion sera située au niveau d’institutions technocratiques entre les mains, en pratique, du capital globalisé. Les super-souverains étant devenus incapables de jouer leur rôle dans le cadre actuel de leurs attributions, on va les transformer en garde-chiourme, en instances supranationales qui, en pratique, décideront sur toutes les variables économiques réelles. La BCE, par exemple, pourrait devenir le bras armé d’un gouvernement économique européen piloté par la commission de Bruxelles, avec le droit d’encadrer toutes les décisions des ministères des finances nationaux.
On y est presque déjà, d’ailleurs. L’Union Européenne est en train de se transformer en machine à dresser les peuples européens les uns contre les autres. Avec l’Allemagne dans le rôle du bon élève et du méchant professeur. Ne vous y trompez pas : c’est un pur jeu d’acteur. Le véritable ennemi n’a probablement pas de base territoriale stable – et s’il en a une, ce n’est pas Berlin.
Enfin, bref, voilà un choix déjà fait : la dictature. La « crise » est orchestrée pour servir de prétexte à un coup d’Etat.
Reste la variable sur laquelle le moment de décision approche : la guerre.
Au-delà d’une crise du système financier, ce qui commence, c’est un effondrement civilisationnel, la fin d’un mythe progressiste quantitatif, la fin d’une manière de construire le sens uniquement par le quantitatif. Cet effondrement provient du fait que le système industriel contemporain ne peut pas étendre son mode de fonctionnement à une humanité de neuf milliards d’hommes. Si Chinois et Indiens consomment comme des Américains, la terre est plusieurs fois trop petite, tout simplement.
Une parenthèse : on m’objectera ici que des perspectives technologiques peuvent changer la donne. Energies nouvelles, fusion, etc. A ce stade et sous réserve d’informations nouvelles, je préfère quant à moi m’en tenir à ce que me disent les ingénieurs et scientifiques de ma connaissance : au-delà des fantasmes, dans le réel, les contraintes énergétiques et écologiques vont peser de plus en plus lourd. Il reste des marges de progression dans les univers virtuels. Mais dans l’univers matériel, le pic pétrolier est une réalité – on pensera ici à la levée de toutes les restrictions sur le forage off shore en 2008, aux USA, juste après le début de l’effondrement financier, et à la marée noire dans le golfe du Mexique. Il y a là un enchaînement de faits apparemment disjoints, mais dont l’enchaînement, précisément, donne à réfléchir.
Revenons à la question de la guerre.
Si vraiment la civilisation de la quantité, c'est-à-dire de la croissance, est incompatible avec l’émergence d’une humanité entrée massivement dans l’ère industrielle et consumériste, les classes dirigeantes occidentales ont trois options : accepter cette émergence, et donc gérer l’alignement brutal des niveaux de vie occidentaux sur ceux des pays émergents, pour les masses du moins ; refuser cette émergence en essayant de mettre la main sur les ressources en matières premières et énergétiques avant que l’avantage stratégique militaire occidental ait disparu ; ou alors, détruire purement et simplement les économies rivales, par la guerre totale.
Quand on y réfléchit attentivement, ces trois options sont toutes les trois absurdes du point de vue du bien général. C’est pourquoi on peut dire : crise économique ou crise du sens ? De toute manière, la façon dont le sens est construit dans la civilisation actuelle nous conduit droit dans le mur.
La première option, pas de guerre, imposera une sorte de relégation d’une grande partie de la population dans un univers de croissance quantitative virtuelle, puisque c’est là qu’il reste des territoires de croissance. Cela suppose une économie de pénurie dans le monde réel, mais une débauche de distractions virtuelles. Toute la question est de savoir si les classes dirigeantes estimeront qu’elles ont les moyens, par le virtuel, de rendre la situation supportable, pour les populations, dans un cadre non démocratique mais préservant les apparences.
La deuxième option, la guerre limitée pour s’emparer des matières premières, consiste en gros à alléger le poids de l’ajustement supporté par les peuples jusque là riches, en leur réservant une bonne partie des futures capacités de production, ou en tout cas de consommation. Dans ce cas, il faut s’attendre à une décennie d’opérations conduites sur le modèle de ce qui vient de se passer en Lybie. C’est à mon avis le plus probable. En tout cas, c’est semble-t-il ce vers quoi les classes dirigeantes occidentales sont en train de se diriger.
Enfin, il y a la troisième option : la guerre totale. Ce peut d’ailleurs être une option forcée, si la guerre limitée dérape. A priori, cela paraît impossible. Mais nous ne savons peut-être pas tout concernant les armements stratégiques dont dispose l’Empire occidental. On ne peut pas non plus exclure une décision allant dans le sens d’une diminution brutale de la population mondiale, par un mélange de guerre inter-étatiques et de guerres civiles métalocales, sur le modèle esquissé par Huntington dans son choc des civilisations, mais appliqué, sans la finesse de Huntington, par des brutes néoconservatrices.
Attention, je ne dis pas que c’est le plan. Je dis qu’il faut avoir conscience du fait qu’il peut y avoir des gens, dans les milieux dirigeants, qui ont ce type de plan en réserve, parce que nous savons que ces gens ont l’idéologie pour justifier ces plans. Se souvenir ici que le capitalisme est, depuis l’origine, une entreprise de prédation d’une partie de l’humanité sur le reste ; et se souvenir que dans le monde de demain, au fond, les masses ne servent plus à grand-chose du point de vue de leurs maîtres.
*
En conclusion, que dire ?
Le moment de décision pour les classes dirigeantes sera aussi un moment de décision pour nous tous.
De toute manière, nous savons que cette « crise » est un coup d’Etat. Et nous subodorons qu’elle sera aussi la porte ouverte vers la guerre. Alors que faire ?
Deux voies sont généralement évoquées : la révolte des nations ou la gouvernance globale, pour parler comme Alain Soral. On peut poser le problème ainsi, mais alors, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la révolte des nations, en Europe du moins, ne prendra certainement pas une forme révolutionnaire du passé. Les peuples tunisiens et égyptiens ont pu se débarrasser de leurs dictateurs en suivant un schéma révolutionnaire très classique, très 1789. Mais ce sont des peuples jeunes, avec beaucoup de jeunes gens qui sont, justement, à l’âge où l’on fait les révolutions. Et ces peuples jeunes étaient confrontés à des dictatures, si j’ose dire, à l’ancienne.
Chez nous, c’est très différent. D’une part, nous sommes des peuples vieux. L’âge moyen en France est de 40 ans. Dans certains pays européens, c’est encore plus élevé. Or, si à 20 ans, on fait la révolution dans la rue, à 40 ans, c’est différent.
Bref, si par « révolte des nations » on imagine des foules dans la rue et une émeute qui prend d’assaut l’Elysée, je n’y crois pas – et quand bien même cela arriverait, il n’en sortirait rien de durable. De toute manière, le Pouvoir n’est plus à l’Elysée.
Dans les pays occidentaux, les capacités de l’oligarchie à préempter toute forme de contestation ont atteint une quasi-perfection. La fabrique du consentement est désormais une usine zéro défaut. Avant même que vous ne pensiez, mes chers amis, le Pouvoir a déjà implanté en vous les catégories qui prédéterminent votre pensée. Et c’est tout un travail à accomplir sur soi pour se libérer de ce conditionnement. Nous sommes arrivés au point où le Pouvoir connaît le peuple mieux que le peuple ne se connaît lui-même. L’ingénierie sociale que nous subissons est d’une perversité extraordinaire. C’est bien, bien plus fort que les dictatures à l’ancienne.
Alors, me direz-vous, c’est fini ? Il n’y a plus qu’à subir la dictature, voire la guerre ?
Non, pas nécessairement. Une révolte est possible, mais elle doit adopter une forme postmoderne pour affronter des dictatures postmodernes.
Point crucial : il y a des monstres, des psychopathes, parmi les individus qui forment nos classes dirigeantes. Mais il n’y a pas que cela. Je pense que les individus qui forment nos classes dirigeantes ne sont pour la plupart pas mauvais en tant qu’individus. Je pense que c’est le cerveau global qu’ils forment qui est mauvais, parce qu’il est fou. C’est lui qui rend mauvais les individus qu’il intègre.
Si nous construisons une alternative à ce cerveau global, alors les individus qui se trouvent à l’intérieur du système, parfois à de hauts niveaux de responsabilité, vont pouvoir penser autrement, eux aussi. Souvenons-nous qu’une grande partie des oligarchies actuelles vient du monde d’avant, du monde de la démocratie, ou en tout cas de l’essai de démocratie, du monde de la nation, de la patrie. Par exemple, les officiers de l’armée française n’ont pas fait Saint-Cyr pour défendre Lazard Frères et Goldman Sachs. Une partie non négligeable des grands corps de l’Etat est malgré tout restée à peu près saine. Je pourrais, si je ne craignais pas de leur nuire, vous citer des polytechniciens qui pensent à peu près comme moi. Pas d’énarque, il est vrai. L’ENA, apparemment, ça ne pardonne pas…
Bref, revenons au fond du débat. Il est temps de conclure. A un certain moment, il faut sortir de l’analyse et entrer dans la proposition d’action.
Voilà ce que je propose : il faut former un cerveau global parallèle. Un cerveau global de la dissidence, si vous voulez. Un cerveau global qui, lui, sera capable de résoudre la crise du sens, en inventant une nouvelle façon de construire le sens dans les systèmes fédérateurs humains.
Et je suis persuadé que nous pourrons compter sur une certaine tolérance de la part des individus qui forment les classes dirigeantes, si nous allons dans cette direction, parce qu’il se trouve parmi eux beaucoup de gens qui se rendent compte du caractère monstrueux du monde qu’ils sont en train de produire collectivement. Nous devons être très attentifs à ce qui se passe à l’intérieur des classes dirigeantes. Il faudra savoir pousser les monstres à se dévoiler, pour que les individus sensés prennent la mesure des risques que l’humanité affronte.
Je crois que c’est là-dessus qu’il faut jouer. A mon avis, c’est la seule lueur d’espoir : non pas contre le système, mais en dehors, pour agir dessus depuis l’extérieur.
Toute la question étant de savoir comment fabriquer l’identité de ce cerveau global dissident…
Et c’est sur cette question que je conclurai.
J’attends maintenant vos questions à vous, en espérant avoir ouvert le débat.
Crise : une bibliographie
Lire la bibliographie sur Scriptoblog.
Lors de ma dernière conférence, on m’a demandé une bibliographie d’ouvrages à lire sur « la crise ». Epineuse question : si je cite tout ce qui mériterait d’être lu, d’abord je serai obligé de me fier à des critiques élogieuses (je n’ai pas tout lu, forcément), ensuite la liste aurait de quoi décourager n’importe qui.
A défaut, citons les ouvrages qui m’ont personnellement marqué, et proposons une démarche générale. A chacun ensuite d’enrichir cette liste, selon sa vision propre. De toute façon, chaque livre en appelle d’autres.
Sur le risque de collapsus dans l’économie matérielle globale
Le point de départ d’un cycle de lecture sur la « crise » actuelle est nécessairement une approche globale de la problématique globale, en particulier dans sa dimension technologique, énergétique et écologique. Ici, il est souvent difficile de trancher dans les querelles d’experts. Ci-dessous une liste de livre qui renvoient à un paradigme catastrophiste – je pense sincèrement que ce paradigme est aujourd’hui celui qui correspond au réel (« le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan). Cela étant, un adversaire du catastrophisme proposerait certainement d’autres livres. Renseignez-vous, ne me croyez pas sur parole, je donne mon avis parce que c’est le mien, pas parce que c’est le bon…
Introduction au siècle des menaces (J. Blamont)
Peak everything (R. Heinberg – pour l’instant disponible seulement en anglais)
Le choc alimentaire mondial (J.Y. Carfantan – Note de lecture sur ce site)
La marque du sacré (J.P. Dupuy – Note de lecture sur ce site)
La convergence des catastrophes (G. Faye – Note de lecture sur ce site)
Sur la dimension géopolitique
Ce contexte global doit être éclairé à la lumière des évolutions géopolitiques. Il faut prendre conscience des mouvements décisifs en cours dans la répartition du pouvoir sur la planète pour comprendre comment le « cerveau global » des classes dirigeantes occidentales peut aborder la « crise » (en fait, l’effondrement) de l’Occident.
Après l’Empire (E. Todd)
Le Grand Echiquier (Z. Brzezinski – Note de lecture sur ce site)
La marche irrésistible du Nouvel Ordre Mondial (P. Hillard – demanderait sans doute une actualisation, mais reste incontournable – Note de lecture sur ce site)
Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine (J. Mearsheimer et S. Walt – Note de lecture sur ce site)
Le Renversement du monde (H. Juvin – les solutions suggérées par cet auteur sont contestables, mais l’analyse est très intéressante).
La guerre des empires (F. Lenglet – une approche mainstream, très révélatrice si on la lit en se demandant dans quel but elle a été promue par le système médiatique – Note de lecture sur ce site)
La Chinafrique (S. Michel, M. Beuret – un ouvrage grand-public à base d’anecdotes, mais très révélateur – Note de lecture sur ce site)
Sur le cerveau global produit par les classes dirigeantes
Des livres fondamentaux, qui nous éloignent parfois de l’économie, et d’autres qui semblent traiter de sujets anecdotiques. Point commun : ils sont utiles pour comprendre en quoi le cerveau global dominant est aujourd’hui dément. Attention : il n’existe pas d’ouvrage de synthèse sur le sujet. Il faut lire, être transdisciplinaire, et réfléchir posément à l’interaction des champs étudiés.
La théorie des mèmes (S. Blackmore – sur un thème connexe, on peut lire ici des notes de lecture sur Howard Bloom, Le principe de Lucifer et Le cerveau global)
Propaganda, E. Bernays – Note de lecture sur ce site
L’être et le code (M. Clouscard – fondamental, mais très ardu – seulement pour lecteurs motivés !)
Le règne de la quantité et les signes des temps (R. Guénon – pour ceux qui n’ont pas le temps, il y a sur ce site une note de lecture sur un ouvrage connexe, La crise du monde moderne)
La question de la technique (M. Heidegger – Note de lecture sur ce site)
Les secrets de la Réserve Fédérale (E. Mullins – Publié par les éditions du Retour aux Sources)
La Révolte des Élites et la trahison de la démocratie (C. Lash – Note de lecture sur ce site)
Comment les riches détruisent la planète (H. Kempf – Note de lecture sur ce site)
Comprendre l’Empire (A. Soral – Note de lecture sur ce site)
Sur les enchaînements factuels de la crise dans l’immédiat
Il y a un déficit de livres fiables sur l’enchaînement de la crise depuis trois ans. Cela vient du fait que l’information disponible est massivement biaisée (parfois de manière grotesque), si bien que les auteurs sont en quelque sorte en attente. Comment décortiquer les fluctuations du dollar alors que la FED déplace des milliers de milliards de dollars sans en informer quiconque ? Dans l’immédiat, on peut se renseigner sur quelques grands principes, toujours valables, guetter les détails révélateurs, et réfléchir aux interactions entre la paraphrénie du cerveau global et les choix économiques des classes dirigeantes.
Crise ou coup d’Etat ? (Michel Drac – bon, c’est un peu embêtant de se citer, surtout en si auguste compagnie, mais je pense sincèrement que l’ouvrage, rédigé en 2008/2009, reste utile pour comprendre un peu l’aspect économico-financier, sans être noyé dans la technique. Trois ans plus tard, je n’ai pas grand-chose à retoucher. Ce n’est qu’un travail de synthèse, mais il est utile.)
Pourquoi l’Angleterre a perdu (P. Artus – Note de lecture sur ce site)
Le Scandale des délocalisations (E. Laurent – Note de lecture sur ce site)
La dette publique, une affaire rentable (A-J Holbecq – Note de lecture sur ce site)
La stratégie du choc : La montée d'un capitalisme du désastre (N. Klein)
La Banque (M. Roche – Note de lecture sur ce site)
Blythe Masters (P. Jovanovic – Note de lecture sur ce site)
L’engrenage, mémoires d’un trader (J. Kerviel – un plaidoyer pro domo à lire attentivement entre les lignes – Note de lecture sur ce site)
Le président des riches (M. Pinçon – Note de lecture sur ce site)
Marchés criminels, un acteur global (M. Roudaut – Note de lecture sur ce site)
Voilà, une liste qui ne prétend nullement à l’exhaustivité, mais qui veut simplement vous donner envie de lire, et de vous forger votre propre vision des choses, en approfondissant, de livre en livre. A mon avis, la clef de votre démarche doit être la transdisciplinarité. Si vous ne lisez que de l’économie, vous ne comprendrez rien à l’économie…
Actualité
Pas de rentrée au LTS.
Chers auditeurs et auditrices, comme vous avez pu le constater, le Libre Teamspeak n'a pas repris cette année.
Pour toutes sortes de raisons, le LTS ne reviendra pas. Il est possible que nous continuions à faire un libre journal de temps à autre ainsi que quelques conférences sporadiques mais le rendez-vous hebdomadaire du dimanche est désormais annulé.
Nous sommes très fiers de l'ensemble des émissions que nous avons réalisées, et que vous pouvez retrouver en intégralité dans la rubrique "liste des émissions", et nous vous remercions pour votre soutien permanent.
A bientôt !
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